Les rois numismates : les monnaies du Royaume de Maurétanie (IIe siècle av. J.-C. – Ier siècle ap. J.-C.)

Introduction

Après la chute de Carthage en 146 av. J.-C., un nouvel acteur émerge en Afrique du Nord : le Royaume de Maurétanie. Situé sur les territoires de l’actuel Maroc et de l’Algérie occidentale, ce royaume, moins connu que ses puissants voisins romains et numides, a pourtant joué un rôle central dans l’histoire politique, culturelle et monétaire de la Méditerranée occidentale.

Ses souverains – Bocchus II, Juba II et son fils Ptolémée – ont frappé des monnaies d’une richesse iconographique exceptionnelle. Celles-ci révèlent non seulement des influences puniques, grecques et romaines, mais aussi une volonté affirmée de créer une identité royale propre. On peut les considérer comme les premières monnaies véritablement marocaines : locales, nationales, royales… et royales aussi dans leur beauté.


1. Le Royaume de Maurétanie : un pont entre l’Afrique et Rome

À partir du IIe siècle av. J.-C., la Maurétanie devient un royaume berbère puissant, héritier des traditions locales mais étroitement lié à Rome.

Les principaux souverains :

  • Bocchus II (vers 49 – 33 av. J.-C.), allié de César, il consolide le pouvoir du royaume.
  • Juba II (25 av. J.-C. – 23 ap. J.-C.), élevé à Rome et marié à Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre VII et de Marc Antoine. Son règne est marqué par un véritable âge d’or culturel.
  • Ptolémée de Maurétanie (23 – 40 ap. J.-C.), dernier roi, dont l’assassinat par Caligula entraîne l’annexion romaine.

Sous Juba II, la Maurétanie devient un carrefour où se croisent savoirs grecs, traditions berbères et influence romaine. La monnaie y occupe une place centrale comme outil d’échange, mais aussi comme instrument de propagande royale.


2. Les monnaies royales maurétaniennes

Les frappes maurétaniennes présentent une grande variété de métaux, langues et styles artistiques.

Métaux utilisés :

  • Bronze (le plus courant)
  • Argent (plus rare)
  • Or (très exceptionnel)

Caractéristiques générales :

  • Monnaies bilingues (grec/latin), parfois uniquement en grec
  • Poids plus léger que les monnaies romaines, mais inspirées de leurs modules
  • Frappées principalement à Volubilis et Tingis

Iconographie et symboles :

  • Portraits des rois : souvent barbus, couronnés de laurier, rappelant les effigies romaines.
  • Représentations féminines : têtes d’Isis ou de Cléopâtre Séléné, symbole d’union dynastique.
  • Animaux : lions (force), chevaux (prestige), éléphants (puissance africaine).
  • Symboles agricoles : épis de blé, cornes d’abondance, évoquant fertilité et prospérité.
  • Inscriptions : fréquemment en grec, telles que « ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΙΟΥΒΑ » (Basileōs Iouba, “Du roi Juba”).

Ces monnaies dépassent la simple fonction économique : elles sont des outils politiques, affirmant l’autorité du roi, légitimant ses alliances et projetant son image au-delà des frontières du royaume.


3. Où circulaient-elles ? Où les trouve-t-on ?

La circulation des monnaies maurétaniennes reflète le dynamisme commercial du royaume.

Ateliers monétaires principaux :

  • Volubilis (Walili) : centre administratif et culturel majeur.
  • Tingis (Tanger) : carrefour maritime tourné vers l’Espagne et la Méditerranée.
  • Tamuda (près de Tétouan) et Banasa : zones commerciales et agricoles.

Zones de circulation :

  • Tout le nord du Maroc actuel
  • L’ouest algérien
  • Parfois jusqu’en Hispanie romaine, signe des échanges méditerranéens.

Les découvertes archéologiques, notamment à Volubilis, ont mis au jour de véritables trésors monétaires, témoignant de l’importance de la frappe locale et de son intégration dans les circuits commerciaux romains.


4. L’influence romaine et la fin du royaume

Après l’assassinat de Ptolémée en 40 ap. J.-C. par l’empereur Caligula, la Maurétanie cesse d’exister comme royaume indépendant. Elle est annexée par Rome et divisée en deux provinces :

  • Maurétanie Tingitane (nord du Maroc actuel, capitale Tingis/Tanger)
  • Maurétanie Césarienne (Algérie occidentale, capitale Caesarea/Cherchell).

Dès lors, les monnaies frappées portent principalement les effigies des empereurs romains. Toutefois, certains types locaux persistent, notamment dans la symbolique animale et agricole, preuve d’une continuité culturelle malgré l’intégration impériale.


Conclusion

Les monnaies du Royaume de Maurétanie constituent un témoignage unique d’un royaume berbère à la croisée des civilisations.
Elles reflètent l’ambition de ses rois, l’influence de Rome, et l’héritage punico-grec. Au-delà de leur valeur marchande, elles sont des manifestes politiques et culturels, premiers jalons d’une histoire monétaire propre au Maroc.

Pour l’historien, elles sont des sources précieuses. Pour le collectionneur, elles représentent des pièces d’une beauté rare et d’un intérêt incomparable.


Pièces à collectionner époque (IIe siècle av. J.C – Ier siècle ap. J-C). Influence romaine :

  • Monnaies romaines républicaines importées
    • Matériau : Argent (deniers), bronze (as, dupondius), or (aureus)
    • Denier d’argent, sesterce et as en bronze
    • Motifs : dieux romains, symboles militaires
    • Empereurs : Auguste, Tibère, Caligula
    • Particularité : Portrait de l’empereur, symboles romains
  • Monnaies de Juba II et Ptolémée de Maurétanie (rois clients de Rome, 25 av. J.-C. – 40 ap. J.-C.)
    • Métal : bronze et argent
    • Portraits : Juba II, Ptolémée
    • Motifs : bustes royaux, symboles gréco-romains
  • Monnaies locales berbères romanisées
    • Petits bronzes frappés dans des cités comme Volubilis

Références et sources :

  • Abadie-Reynal, C. La monnaie en Afrique du Nord antique. Paris, 2012.
  • Camps, G. Encyclopédie berbère, vol. 33, Aix-en-Provence, 2015.
  • Mazard, J. Corpus Nummorum Numidiae Mauretaniaeque. Paris, 1955.
  • Sear, D. Greek Coins and Their Values. Vol. II. London, 1979.
  • Encyclopédie Larousse : « Maurétanie » (consultée en 2025).
  • Abadie-Reynal, C. La monnaie en Afrique du Nord antique. Paris, 2012.
  • Camps, G. Encyclopédie berbère, vol. 33, Aix-en-Provence, 2015.
  • Mazard, J. Corpus Nummorum Numidiae Mauretaniaeque. Paris, 1955.
  • Sear, D. Greek Coins and Their Values. Vol. II. London, 1979.
  • Encyclopédie Larousse : « Maurétanie » (consultée en 2025).

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