Introduction
Lorsque Rome met la main sur la Maurétanie après l’assassinat du roi Ptolémée en l’an 40, elle ne se contente pas de conquérir un territoire : elle intègre l’actuel nord du Maroc dans un vaste réseau impérial s’étendant de l’Atlantique aux rives de l’Euphrate. C’est le début d’un chapitre crucial de l’histoire monétaire du Maroc, marqué par la fin des frappes locales et la circulation massive des monnaies impériales.
1. Un changement d’autorité : l’annexion romaine
L’annexion par Rome transforme le royaume indépendant de Maurétanie en province impériale divisée :
- Maurétanie Tingitane : capitale à Tingis (Tanger), couvrait le nord du Maroc actuel.
- Maurétanie Césarienne : partie est, avec Caesarea comme centre (en actuelle Algérie).
La Tingitane devient un avant-poste stratégique de l’Empire, protégée par la présence militaire romaine et intégrée dans les circuits commerciaux et administratifs romains.
2. Monnaie romaine : les seules autorisées
Contrairement à l’époque précédente, aucune monnaie locale n’est frappée dans la province de Maurétanie Tingitane connue à ce jour. La politique monétaire est centralisée à Rome ou dans des ateliers impériaux comme ceux de Carthage, Lyon, Tarragone, ou Antioche.
Les monnaies romaines circulent abondamment dans la province, apportées par les militaires, les commerçants ou les fonctionnaires.
Types de monnaies retrouvées :
- Sesterces (grandes pièces en bronze)
- Denarii (argent)
- Aurei (or, plus rares)
- As, dupondius, et autres divisions de bronze
Lieux d’origine fréquents des monnaies trouvées au Maroc :
- Rome
- Carthage
- Narbonne
- Lugdunum (Lyon)
- Antioche
Ces monnaies comportent les effigies des empereurs romains, les dieux classiques (Jupiter, Mars, Minerve, etc.) et des scènes symboliques (victoire militaire, conquête, paix impériale…).
3. Découvertes archéologiques au Maroc
Plusieurs sites marocains ont livré des ensembles monétaires importants, permettant de retracer la chronologie de circulation des monnaies :
Sites principaux :
- Volubilis : centre urbain majeur, riche en monnaies impériales
- Banasa, Tingis (Tanger), Thamusida : villes administratives et militaires
- Lixus : port stratégique aux échanges méditerranéens
Les fouilles ont révélé une prédominance de monnaies en bronze, adaptées à la vie quotidienne, au marché local et à la solde des troupes stationnées dans la région.
4. Monnaie et présence militaire
L’armée joue un rôle majeur dans la circulation monétaire. Les légions et cohortes cantonnées à Volubilis, Banasa ou Tocolosida sont rémunérées en deniers ou sesterces, qu’elles réinjectent dans l’économie locale (achats, constructions, services…).
Les pièces retrouvées sur ces sites couvrent une large période :
- Empereurs du 1er siècle (Claude, Néron, Vespasien)
- Apogée avec Trajan, Hadrien, Marc Aurèle
- Et jusqu’à Constantin Ier et ses successeurs au IVe siècle
5. Une circulation jusqu’à la christianisation
Même après le retrait officiel des troupes romaines vers la fin du IIIe siècle ou le début du IVe siècle, les monnaies romaines continuent de circuler dans la région. Certaines pièces retrouvées datent du règne de Constantin, avec des motifs chrétiens (chrisme, croix latine), témoins des débuts du christianisme dans la province.
Conclusion
L’époque de la Maurétanie romaine marque un tournant : le Maroc antique entre de plain-pied dans le système impérial romain, et avec lui dans une économie monétaire unifiée, centralisée, mais pourtant foisonnante. Bien qu’aucune monnaie locale ne soit frappée, la diversité des monnaies impériales retrouvées sur le territoire témoigne de l’intégration profonde du Maroc dans le monde romain. Une époque fascinante où chaque pièce raconte l’histoire d’un empire… et d’un territoire qui en portait la marque.