La dynastie Idrisside marque un tournant capital dans l’histoire du Maroc : elle inaugure le tout premier État islamique indépendant sur le territoire, bien avant les grandes dynasties almoravides ou almohades. Fondée à la fin du VIIIe siècle par Idriss Ier, cette lignée de souverains donne non seulement une structure politique au pays, mais initie également la frappe des premières monnaies proprement marocaines, faisant entrer le Maghreb occidental dans le monde monétaire islamique.
Contexte historique : la naissance du Maroc musulman
À la fin du VIIe siècle et au début du VIIIe, les territoires de l’actuel Maroc sont encore largement indépendants. Les tribus berbères dominent la région, parfois islamisées, mais souvent autonomes et méfiantes envers les califats orientaux (omeyyades, puis abbassides).
C’est dans ce contexte qu’apparaît Idriss Ier, descendant du prophète Muhammad par sa fille Fatima. Fuyant la répression abbasside après la bataille de Fakh (786), il trouve refuge auprès des tribus berbères du nord du Maroc, principalement les Awraba. En 788, il fonde à Volubilis (Walīla) la première entité politique islamique structurée du Maroc, avec l’appui des populations locales.
Son fils, Idriss II, fonde Fès et étend considérablement le royaume, en jetant les bases d’un État durable, centralisé et islamisé, bien intégré aux réseaux du monde musulman médiéval.
Une numismatique naissante : les premières monnaies marocaines musulmanes
L’une des contributions majeures des Idrissides est l’introduction de la frappe monétaire autonome. Il s’agit des premières monnaies islamiques produites au Maroc, marquant une étape essentielle dans l’affirmation politique et religieuse de la dynastie.
Les types de monnaies frappées
- Dīnār en or : rares mais prestigieux, les dīnārs idrissides suivent le modèle abbasside (forme circulaire, absence de figures, calligraphie soignée). Ils témoignent de la richesse du royaume et de ses ambitions diplomatiques.
- Dirhams en argent : plus courants, ils sont utilisés pour les transactions du quotidien. Ces monnaies circulent principalement dans les zones contrôlées par la dynastie, mais peuvent parfois être retrouvées plus loin, attestant de l’activité commerciale.
Les pièces idrissides se distinguent par des inscriptions purement épigraphiques, sans aucune image ou représentation humaine ou animale. C’est un choix à la fois religieux et politique, en accord avec la tradition islamique.
Inscriptions et symbolique
Les inscriptions sur les monnaies idrissides comportent souvent :
- La profession de foi islamique (la ilaha illa Allah, Muhammad rasul Allah),
- Des mentions du califat d’Ali ou de la descendance du Prophète, en lien avec l’identité chiite originelle d’Idriss Ier,
- Des formules coraniques,
- Le nom du souverain (souvent Idriss Ier ou Idriss II),
- La date de frappe (en calendrier hégirien),
- Et parfois le lieu de frappe, comme Fès ou d’autres centres de pouvoir.
Ces éléments montrent à quel point la monnaie était un outil de légitimation politique : chaque pièce était un manifeste religieux et dynastique.
Une monnaie rare et précieuse pour les collectionneurs
Aujourd’hui, les monnaies idrissides sont extrêmement rares, notamment les dīnārs en or. Leur simple existence dans une collection est un signe de prestige. Les dirhams en argent, bien que plus fréquents, sont eux aussi très prisés, car ils sont les premiers témoins matériels de la souveraineté marocaine.
Leur style épigraphique, souvent sobre et élégant, en fait des objets à la fois historiques, esthétiques et spirituels. Pour les amateurs de numismatique islamique, elles constituent un maillon essentiel entre les premières monnaies orientales et les frappes des grandes dynasties berbères qui suivront.
Conclusion
La dynastie Idrisside marque l’ancrage définitif de l’islam au Maroc et la naissance du royaume en tant qu’entité politique indépendante. À travers leurs monnaies, ces souverains ont posé les bases d’une tradition monétaire marocaine qui perdurera des siècles durant. Ces pièces, chargées de symboles religieux et politiques, sont aujourd’hui les premiers témoins tangibles de l’identité marocaine musulmane.