Quand Tanit régnait sur les pièces : la monnaie carthaginoise au Maroc (Ve siècle av. J.C – IIe siècle av. J-C)

Bien avant l’arrivée de l’Islam et même avant l’implantation romaine, le territoire de l’actuel Maroc faisait partie des réseaux commerciaux de Carthage, l’une des puissances majeures de la Méditerranée antique. C’est à cette époque que la monnaie fait son apparition dans la région, marquant le début de la numismatique marocaine et introduisant un moyen d’échange structuré, qui reflète à la fois les relations économiques et les croyances religieuses des populations locales et des colons phéniciens.

Chaque pièce frappée par Carthage raconte une histoire ancienne. Elles témoignent de la vie des cités portuaires, des flux commerciaux et de la religiosité des habitants. Les dieux phéniciens, et en particulier Tanit, protectrice des villes et symbole de fertilité et de prospérité, figurent fréquemment sur ces monnaies, transformant ces objets en véritables vecteurs culturels et religieux. Ces pièces ne sont pas de simples instruments d’échange : elles incarnent l’autorité, le prestige et l’identité d’une cité-État puissante et organisée.

Carthage, fondée au IXe siècle av. J.-C. par des Phéniciens venus de Tyr (Liban actuel), devient au Ve siècle av. J.-C. une puissance maritime et commerciale majeure. Son influence s’étend sur toute l’Afrique du Nord, incluant les régions côtières du Maroc actuel, avec des sites stratégiques comme Lixus, Tingis (Tanger) et Sala (Rabat). Les colonies et comptoirs carthaginois contrôlaient non seulement le commerce maritime, mais aussi l’exploitation agricole, les mines locales et l’acheminement des ressources vers le cœur de Carthage. Dans ce contexte, la monnaie devient un outil indispensable pour réguler les échanges, rémunérer les mercenaires et imposer la légitimité carthaginoise dans les régions soumises.

Les premières monnaies carthaginoises au Maroc présentent des caractéristiques très distinctives. Les pièces courantes étaient frappées en bronze, tandis que les pièces de forte valeur étaient en argent. Les inscriptions sont rares, parfois en alphabet punique, et l’iconographie est riche en symboles : la tête de Tanit, symbole de fertilité et de protection ; le cheval, symbole de puissance militaire et de noblesse ; le palmier, rappelant l’Afrique et l’agriculture ; et le croissant de lune ou la rosette, symboles religieux et mystiques.

Ces monnaies circulaient principalement dans des centres commerciaux et religieux comme Lixus, les ports stratégiques de Tingis et plus tardivement à Mogador (Essaouira). Elles véhiculaient le pouvoir et la légitimité de Carthage tout en facilitant le commerce local et international. Les pièces de bronze servaient aux transactions quotidiennes – achat de vivres, artisanat ou bétail – tandis que les pièces d’argent étaient utilisées pour les échanges interrégionaux et le paiement des mercenaires engagés par la cité-État.

Les monnaies carthaginoises avaient également une fonction politique et culturelle. Les symboles religieux et royaux renforçaient la légitimité de Carthage auprès des populations locales. Les images de Tanit ou de chevaux rappelaient à la fois l’autorité de Carthage et la protection divine sur les territoires soumis. Elles constituaient un moyen de propagande culturelle et religieuse, véhiculant l’identité carthaginoise et favorisant l’adhésion des populations locales aux valeurs de la cité. La fusion entre religion, économie et pouvoir politique est ainsi parfaitement illustrée par ces pièces, qui sont autant des objets économiques que des instruments d’influence et de contrôle.

Même après la chute de Carthage en 146 av. J.-C., son influence persiste dans les pratiques monétaires et culturelles du Maghreb. Les premières monnaies du royaume de Maurétanie, par exemple, montrent des inspirations punico-romaines, tant dans le choix des symboles que dans les techniques de frappe. Ces pièces restent aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs et les historiens, car elles offrent un témoignage précieux de l’histoire économique, religieuse et artistique du Maroc antique.

Collecter ces pièces, c’est préserver un fragment de mémoire antique, comprendre les échanges commerciaux, la religion et la politique de l’Afrique du Nord avant l’arrivée des Romains. Elles sont autant des témoins historiques que des œuvres d’art miniature, illustrant la richesse culturelle et économique d’un monde disparu.

En conclusion, les monnaies carthaginoises au Maroc ne sont pas de simples artefacts archéologiques. Elles sont les témoins silencieux d’un passé où Tanit et d’autres divinités régnaient sur les cités et le commerce, incarnant la richesse culturelle, économique et religieuse de Carthage. Leur étude et leur collection permettent de redécouvrir ce patrimoine précieux et de comprendre les fondements de la numismatique dans le Maghreb antique.

Pièces à collectionner époque (Ve siècle av. J.C – IIe siècle av. J.-C). Premières monnaies et influences méditerranéennes :

  • Monnaies phéniciennes
    • Matériau : Bronze et argent
    • Types : Statères, didrachmes
    • Lieux : Comptoirs côtiers (Lixus, Mogador/Tingis)
    • Motifs : dieux phéniciens, bateaux, symboles marins
    • Particularité : Symboles de divinités ou animaux
  • Monnaies carthaginoises
    • Matériau : Argent et bronze
    • Types : Statère, quart de statère
    • Lieux : Lieux de commerce côtier
    • Motifs : cheval, palmier, tête de Tanit (déesse carthaginoise)
    • Particularité : Cheval, palmier, inscriptions puniques


Références et sources :

  • Miles, R. Carthage Must Be Destroyed. Viking, 2010.
  • Warmington, B. H. Carthage. New York: Barnes & Noble, 1960.
  • Cagnat, R. Monnaies de l’Afrique ancienne. Paris, 1906.
  • Encyclopédie Larousse : « Carthage » (consultée en 2025).
  • Wikimedia Commons : images de pièces carthaginoises (Domaine public).

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