La Maurétanie romaine : quand l’Empire frappe sa marque sur le Maroc antique (40 ap. J.-C. – fin du IVe siècle)

Lorsque Rome prend le contrôle de la Maurétanie après l’assassinat du roi Ptolémée en l’an 40, ce n’est pas seulement un territoire qui est annexé, mais un monde entier qui est intégré dans le vaste Empire romain. Pour le nord du Maroc actuel, cette domination marque le début d’une nouvelle ère : celle d’une province, la Maurétanie Tingitane, reliée aux circuits économiques et militaires de Rome.

La province, dont la capitale est fixée à Tingis (Tanger), devient un avant-poste stratégique de l’Empire. Sa mission est double : contrôler le détroit de Gibraltar et servir de lien direct avec la Bétique, province romaine d’Espagne, dont elle dépend. C’est dans ce cadre que la monnaie romaine prend toute son importance, à la fois comme outil économique et comme instrument d’intégration culturelle.

À la différence de l’époque des rois berbères, comme Juba II ou Ptolémée, qui frappaient leur propre monnaie, la Tingitane ne dispose plus d’atelier monétaire local. Les seules monnaies autorisées sont celles de l’Empire, frappées à Rome, à Carthage, à Lyon, à Narbonne, à Tarragone ou à Antioche. Ces pièces circulent dans la province grâce aux soldats, aux commerçants et aux fonctionnaires. Elles portent le portrait des empereurs, les figures des dieux romains et des images de victoires, de conquêtes ou de paix impériale. En plus de leur valeur économique, elles véhiculent le prestige de Rome et l’image du pouvoir impérial.

Les découvertes archéologiques au Maroc confirment cette intégration. Des trésors monétaires ont été retrouvés sur les grands sites antiques : Volubilis, riche en monnaies de bronze adaptées aux échanges quotidiens ; Banasa et Thamusida, où la présence militaire a laissé une abondante numismatique ; Lixus, grand port méditerranéen ; et Tingis, capitale provinciale. Dans tous ces lieux, les monnaies racontent une même histoire : celle d’un territoire inséré dans les circuits de l’Empire.

L’armée a joué un rôle central dans cette diffusion. Les légionnaires et auxiliaires cantonnés à Volubilis, Banasa ou Tocolosida recevaient leur solde en deniers ou en sesterces, qu’ils dépensaient dans l’économie locale. Ainsi, les monnaies devenaient le lien direct entre Rome et les communautés locales. Les découvertes couvrent une période large : des premiers empereurs comme Claude et Néron, jusqu’à l’époque de Trajan, Hadrien et Marc Aurèle, et enfin jusqu’aux monnaies chrétiennes de Constantin au IVe siècle.

Même après le retrait officiel des troupes romaines à la fin du IIIe siècle, les monnaies impériales continuent de circuler. Certaines pièces retrouvées en Tingitane portent déjà des symboles chrétiens, comme le chrisme ou la croix latine, témoins d’une mutation religieuse et culturelle qui accompagne la fin de l’Empire dans cette région.

L’histoire monétaire de la Maurétanie romaine au Maroc illustre parfaitement la profondeur de l’intégration de ce territoire au monde romain. Chaque pièce retrouvée dans nos sols n’est pas seulement un outil d’échange, mais aussi un fragment d’histoire : l’histoire d’un empire qui s’étendait jusqu’aux rivages de l’Atlantique, et d’un Maroc antique qui en portait la marque durable.

Pièces à collectionner époque (40 ap. J.-C. – fin du IVe siècle). Influence romaine :

  • Monnaies impériales romaines
    • Argent : deniers puis antoniniens
    • Bronze : as, dupondius, sesterce
    • Or : aureus (rare, mais parfois retrouvé)
    • Empereurs de la période : Claude, Néron, Vespasien, Trajan, Hadrien, Marc Aurèle, Constantin Ier.

  • Monnaies provinciales romaines (Volubilis, Tingis, Sala)
    • Petits bronzes locaux frappés dans les ateliers de Maurétanie Tingitane
    • Motifs : temples, épis de blé, symboles locaux

Références et sources :

  • A. Akerraz, M. Lenoir, Ph. Poinssot – Volubilis : histoire, monuments, fouilles (Éditions du CNRS, 1990).
  • M. Euzennat – Missions archéologiques au Maroc (1954-1989).
  • Michel Christol & Daniel Nony – Rome et son Empire (Armand Colin, 1994).
  • Jean-Noël Barrandon – Études sur la numismatique antique en Maurétanie Tingitane.
  • Corpus des monnaies de Volubilis et Banasa (rapports archéologiques, Ministère marocain de la Culture).
  • Bulletin d’Archéologie Marocaine (BAM).

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